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au-dessus, et penché sur cette bouche effroyable de la terre, dont l’haleine le suffoquait.

Il élargissait les images pour émouvoir la jeune femme ; et elle palpitait en l’écoutant, apercevant elle-même, dans un élan de sa pensée, ces grandes choses qu’il avait vues.

Tout à coup, au détour de la route, ils découvrirent Tournoël. L’antique château, debout sur son pic, dominé par sa tour haute et mince, percée à jour et démantelée par le temps et par les guerres anciennes, dessinait, sur un ciel d’apparitions, sa grande silhouette de manoir fantastique.

Ils s’arrêtèrent, surpris tous trois. Le marquis dit enfin :

— En effet, c’est très joli ; on dirait un rêve de Gustave Doré réalisé. Asseyons-nous cinq minutes.

Et il s’assit sur l’herbe du fossé.

Mais Christiane, affolée d’enthousiasme, s’écria :

— Oh, père, allons plus loin ! C’est si beau ! si beau ! Allons jusqu’au pied, je t’en supplie !

Le marquis, cette fois, refusa :

— Non, ma chérie, j’ai assez marché ; je n’en puis plus. Si tu veux le voir de plus près, vas-y avec M. Brétigny. Moi, je vous attends ici.

Paul demanda :

— Voulez-vous, Madame ?

Elle hésitait, saisie par deux craintes : celle de se trouver seule avec lui, et celle de blesser un honnête homme, en ayant l’air de le redouter.

Le marquis reprit :