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connu, puis un être familier, un être aimé. On prend possession de lui heure par heure, sans s’en douter ; on prend possession de ses traits, de ses mouvements, de ses attitudes, de sa personne physique et de sa personne morale. Il entre en vous, dans le regard et dans le cœur, par sa voix, par tous ses gestes, par ce qu’il dit et par ce qu’il pense. On l’absorbe, on le comprend, on le devine dans toutes les intentions de son sourire et de sa parole ; il semble enfin qu’il vous appartienne tout entier, tant on aime inconsciemment encore tout ce qui est de lui et tout ce qui vient de lui.

Alors, il demeure impossible de se rappeler ce qu’était cet être devant vos yeux indifférents, la première fois qu’il vous est apparu.

Donc, Paul Brétigny l’aimait ! Christiane n’éprouvait de cela ni peur, ni angoisse, mais un attendrissement profond, une joie immense, nouvelle, exquise, d’être aimée et de le savoir.

Elle restait un peu inquiète cependant de l’attitude qu’il prendrait vis-à-vis d’elle, et qu’elle garderait vis-à-vis de lui. Mais comme il était délicat pour sa conscience de penser même à ces choses-là, elle cessa d’y songer, en se fiant à sa finesse et à son adresse pour diriger les événements. Elle descendit à l’heure ordinaire, et trouva Paul qui fumait une cigarette devant la porte de l’hôtel. Il la salua avec respect.

— Bonjour, Madame. Vous allez bien, ce matin ?

Elle répondit en souriant :