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Christiane, qui s’était couchée fort tard, se réveilla dès que le soleil jeta dans sa chambre un flot de clarté rouge par sa fenêtre restée grande ouverte.

Elle regarda l’heure — cinq heures, — et demeura sur le dos, délicieusement, dans la chaleur du lit. Il lui semblait, tant elle sentait alerte et joyeuse son âme, qu’un bonheur, un grand bonheur, un immense bonheur lui était arrivé pendant la nuit. Lequel ? Elle le cherchait, elle cherchait quelle nouvelle heureuse l’avait pénétrée ainsi d’allégresse. Toute sa tristesse du soir avait disparu, fondue pendant le sommeil.

Donc Paul Brétigny l’aimait ! Comme il lui apparaissait différent du premier jour ! Malgré tous les efforts de son souvenir, elle ne pouvait le retrouver tel qu’elle l’avait vu et jugé tout d’abord ; elle ne retrouvait même plus du tout l’homme présenté par son frère. Celui d’aujourd’hui n’avait rien gardé de l’autre, rien, ni le visage, ni les allures, rien, car son image première avait passé peu à peu, jour par jour, par toutes les lentes modifications que subit dans un esprit un être aperçu qui devient un être