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de rocher qui leur barrait le chemin à l’endroit où s’arrêtent tous les promeneurs, remarqua qu’elle portait des traces d’escalade. Il dit :

— Mais, on peut aller plus loin.

Ayant donc gravi, non sans peine, cette muraille droite, il cria :

— Oh ! c’est charmant ! Un petit bosquet dans l’eau, venez donc.

Et, se couchant, il prit les mains de Christiane qu’il enleva, pendant que Gontran dirigeait et posait ses pieds sur toutes les faibles saillies de la roche.

La terre tombée du sommet avait formé sur ce gradin un jardinet sauvage et touffu, où le ruisseau courait à travers les racines.

Une autre marche, un peu plus loin, barrait de nouveau ce couloir de granit ; ils la gravirent encore, puis une troisième, et ils se trouvèrent au pied d’un mur infranchissable d’où tombait, droite et claire, une cascade de vingt mètres, dans un bassin profond, creusé par elle, et enfoui sous des lianes et des branches.

L’entaille de la montagne était devenue si étroite, que les deux hommes se tenant par la main en pouvaient toucher les côtés. On ne voyait plus qu’une ligne de ciel ; on n’entendait que le bruit de l’eau ; on eût dit une de ces introuvables retraites où les poètes latins cachaient les nymphes antiques. Il semblait à Christiane qu’elle venait de violer la chambre d’une fee.