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les êtres jeunes. Seul, Paul Brétigny grognait, obsédé par d’autres idées, puis, s’animant peu à peu, il se mettait à la partie avec plus de fureur que les autres afin de prendre Christiane, de la toucher, de poser la main brusquement sur son épaule ou sur son corsage.

Le marquis, dont la nature indifférente et nonchalante se prêtait à tout pourvu qu’on ne troublât point sa quiétude, s’asseyait au pied d’un arbre et regardait s’ébattre son pensionnat, comme il disait. Il trouvait fort bonne cette vie paisible, et le monde entier parfait.

Cependant, les allures de Paul effrayèrent bientôt Christiane. Un jour même, elle eut peur de lui.

Ils étaient allés, un matin, avec Gontran au fond de la bizarre crevasse, d’où coule le ruisseau d’Enval, ce qu’on appelle la Fin du Monde.

La gorge, de plus en plus resserrée et tortueuse, s’enfonce dans la montagne. On franchit des pierres énormes. On passe sur de gros cailloux la petite rivière, et après avoir contourné un roc haut de plus de cinquante mètres qui barre toute l’entaille du ravin, on se trouve enfermé dans une sorte de fosse étroite, entre deux murailles géantes, nues jusqu’au sommet couvert d’arbres et de verdure.

Le ruisseau forme un lac grand comme une cuvette, et c’est vraiment là un trou sauvage, étrange, inattendu, comme on en rencontre plus souvent dans les récits que dans la nature.

Or, ce jour-là, Paul, regardant la haute marche