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noise, des histoires du village, des naïvetés et des roueries de paysans. Et elle les imitait avec leurs gestes, leurs allures lentes, leurs paroles graves, leurs fouchtra, leurs innombrables bougrrre qu’elle prononçait bigrrre, mimant, d’une façon qui rendait charmante sa jolie figure éveillée, tous les mouvements de leurs physionomies. Ses yeux vifs brillaient : sa bouche, assez grande, s’ouvrait bien, montrant de belles dents blanches ; son nez, un peu relevé, lui donnait un air d’esprit, et elle était fraîche, d’une fraîcheur de fleur à faire frémir d’envie les lèvres.

Le marquis ayant passé presque toute son existence dans ses terres, Christiane et Gontran, élevés dans le château familial, au milieu des fiers et gros fermiers normands qu’on recevait quelquefois à table, suivant l’usage, et dont les enfants, camarades de première communion, étaient traités par eux familièrement, savaient parler à cette petite campagnarde aux trois quarts mondaine déjà, avec une franchise amicale, un tact cordial et sûr qui éveillait tout de suite en elle une assurance gaie et confiante.

Andermatt et Louise revenaient, ayant été jusqu’au village et ne voulant point y pénétrer.

Et tout le monde s’assit au pied d’un arbre, sur l’herbe du fossé.

Ils restèrent là longtemps, causant doucement, de tout et de rien, dans une languissante torpeur de bien-être. Parfois une charrette passait, toujours traînée par les deux vaches dont le joug inclinait et