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une toute petite brunette, tirait et annonçait les numéros, avec des boniments de charlatan qui amusaient beaucoup la foule. Le marquis, accompagné des petites Oriol et d’Andermatt, reparut et demanda :

— Restons-nous ici ? C’est bien bruyant.

Alors on se décida à faire une promenade sur la route à mi-côte qui va d’Enval à La Roche-Pradière.

Pour l’atteindre, ils montèrent d’abord, l’un derrière l’autre, un sentier étroit à travers les vignes. Christiane marchait en tête, d’un pas souple et rapide. Depuis son arrivée en ce pays, elle se sentait exister d’une façon nouvelle, avec une activité de plaisir et de vie qu’elle ne connaissait point autrefois. Peut-être les bains, la faisant mieux portante, la débarrassant des légers troubles des organes qui gênent et attristent sans cause sensible, la disposaient-ils à mieux percevoir, à mieux goûter toutes choses. Peut-être se sentait-elle simplement animée, fouettée par la présence et l’ardeur d’esprit de ce garçon inconnu qui lui apprenait à comprendre.

Elle respirait par grands souffles prolongés en songeant à tout ce qu’il avait dit sur les parfums errant dans le vent. « C’est vrai, pensait-elle, qu’il m’a enseigné à sentir l’air. » Et elle retrouvait toutes les odeurs, celle de la vigne surtout, si légère, si fine, si fuyante.

Elle atteignit la route, et des groupes se formèrent. Andermatt et Louise Oriol, l’aînée, partirent