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gauche, ce trou de Châtel-Guyon tout à fait lancé depuis peu ! Que ne ferait-on pas avec Enval, en sachant s’y prendre !

Il disait, s’adressant à l’ingénieur :

— Oui, monsieur, tout est là, savoir s’y prendre. Tout est affaire d’adresse, de tact, d’opportunisme et d’audace. Pour créer une ville d’eaux il faut savoir la lancer, rien de plus, et pour la lancer, il faut intéresser dans l’affaire le grand corps médical de Paris. Moi, monsieur, je réussis toujours ce que j’entreprends, parce que je cherche toujours le moyen pratique, le seul qui doit déterminer le succès dans chaque cas spécial dont je m’occupe ; et tant que je ne l’ai pas trouvé, je ne fais rien, j’attends. Il ne suffit pas d’avoir de l’eau, il faut la faire boire ; et pour la faire boire, il ne suffit pas de crier soi-même dans les journaux et ailleurs qu’elle est sans rivale ! il faut savoir le faire dire discrètement par les seuls hommes qui aient de l’action sur le public buveur, sur le public malade dont nous avons besoin, sur le public particulièrement crédule qui paye les médicaments, par les médecins. Ne parlez au tribunal que par les avocats ; il n’entend qu’eux, il ne comprend qu’eux ; ne parlez au malade que par les médecins, il n’écoute qu’eux.

Le marquis, qui admirait beaucoup le