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bruit. Sur la butte aussi la foule augmentait, arrivant sans cesse du village et couvrait la pente dominant le rocher condamné.

On s’appelait, on se réunissait par hôtels, par classes, par castes. Le plus bruyant des attroupements était celui des acteurs et musiciens, présidé, gouverné par leur directeur Petrus Martel, de l’Odéon, qui avait abandonné, en cette circonstance, sa partie de billard enragée.

Le front coiffé d’un panama, les épaules couvertes d’une veste d’alpaga noir, qui laissait saillir en bosse un large ventre blanc, car il jugeait le gilet inutile aux champs, l’acteur moustachu prenait des airs de commandement, indiquait, expliquait et commentait tous les mouvements des deux Oriol. Ses subordonnés, le comique Lapalme, le jeune premier Petitnivelle et les musiciens, le maestro Saint-Landri, le pianiste Javel, l’énorme flûtiste Noirot, la contrebasse Nicordi, l’entouraient et l’écoutaient. Devant eux, trois femmes étaient assises, abritées par trois ombrelles, une blanche, une rouge et une bleue, qui formaient sous le soleil de deux heures un étrange et éclatant drapeau français. C’étaient Mlle Odelin, la jeune actrice, sa mère, une mère de location disait Gontran, et la caissière du café, société habi-