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— Liane, envolons-nous.

Et ce besoin de s’envoler, l’amour, leur amour exalté, le jetait en eux, harcelant, incessant, douloureux. Et tout, autour d’eux, aiguisait ce désir de leur âme, l’air léger, un air d’oiseau, disait-il, et le vaste horizon bleuâtre où ils auraient voulu s’élancer tous les deux, en se tenant par la main, et disparaître au-dessus de la plaine infinie lorsque la nuit s’étendait sur elle. Ils seraient partis ainsi à travers le ciel embrumé du soir, pour ne jamais revenir. Où seraient-ils allés ? Ils ne le savaient point, mais quel rêve !

Quand il était essoufflé d’avoir couru en la portant ainsi, il la posait sur un rocher pour s’agenouiller devant elle ! Et lui baisant les chevilles, il l’adorait en murmurant des paroles enfantines et tendres.

S’ils s’étaient aimés dans une ville, leur passion, sans doute, aurait été différente, plus prudente, plus sensuelle, moins aérienne et moins romanesque. Mais là, dans ce pays vert dont l’horizon élargissait les élans de l’âme, seuls, sans rien pour distraire, pour atténuer leur instinct d’amour éveillé, ils s’étaient élancés soudain dans une tendresse éperdument poétique, faite d’extase et de folie. Le paysage autour d’eux, le vent tiède, les bois, l’odeur savoureuse de cette cam-