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d’un capitaine en mer, et il terrifiait les nouveaux venus, à moins qu’il ne les fît sourire.

Comme il arrivait, ce jour-là, d’un pas rapide qui laissait voltiger, à la façon de deux ailes, les vastes basques de sa vieille redingote, il fut arrêté net par une voix qui criait : « Docteur ! »

Il se retourna. Sa figure maigre, ridée de grands plis mauvais dont le fond semblait noir, salie par une barbe grisâtre rarement coupée, fit un effort pour sourire ; et il enleva le chapeau de soie de forme haute, râpé, taché, graisseux, dont il couvrait sa longue chevelure poivre et sel, « poivre et sale », disait son rival le docteur Latonne. Puis il fit un pas, s’inclina et murmura :

— Bonjour, monsieur le marquis, vous allez bien, ce matin ?

Un petit homme très soigné, le marquis de Ravenel, tendit la main au médecin, et répondit :

— Très bien, docteur, très bien, ou, du moins, pas mal. Je souffre toujours des reins ; mais enfin je vais mieux, beaucoup mieux ; et je n’en suis encore qu’à mon dixième bain. L’année dernière, je n’ai obtenu d’effet qu’au seizième ; vous vous en souvenez ?

— Oui, parfaitement.

— Mais ce n’est pas de ça que je veux vous parler. Ma fille est arrivée ce matin, et je dé-