Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et tous ses moyens restaient paralysés. Et puis il la chérissait d’une façon nouvelle, comme une enfant, et comme une fiancée. Il la désirait ; et il avait peur d’y toucher, de la salir, de la faner. Il n’avait pas envie de l’étreindre à la broyer dans ses bras, comme les autres, mais de se mettre à genoux pour baiser sa robe et d’embrasser doucement, avec une lenteur infiniment chaste et tendre, les petits cheveux de ses tempes, les coins de sa bouche, et ses yeux, ses yeux fermés dont il sentirait le regard bleu, le regard charmant éveillé sous la paupière baissée. Il aurait voulu la protéger contre tout le monde et contre tout, ne pas la laisser coudoyer des gens communs, regarder des gens laids, passer à côté de gens malpropres. Il aurait voulu enlever la boue des rues qu’elle traversait, les cailloux des chemins, les ronces et les branches des bois, faire tout facile et délicieux autour d’elle, et la porter toujours pour qu’elle ne marchât jamais. Et il s’irritait qu’elle dût causer avec ses voisins d’hôtel, manger les médiocres nourritures de la table d’hôte, subir toutes les petites choses désagréables et inévitables de l’existence.

Il ne savait que lui dire, tant il avait de pensées pour elles ; et son impuissance à exprimer l’état de son cœur, à rien accom-