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puis d’herbe rase et verte jusqu’à la crête, peu élevée en cet endroit.

Paul murmura :

— Est-ce beau ? dites, est-ce beau ? Et pourquoi ce paysage m’attendrit-il ? Oui, pourquoi ? Il s’en dégage un charme si profond, si large, si large surtout, qu’il me pénètre jusqu’au cœur. Il semble, en regardant cette plaine, que la pensée ouvre les ailes, n’est-ce pas ? Et elle s’envole, elle plane, elle passe, et elle s’en va là-bas, plus loin, vers tous les pays rêvés que nous ne verrons jamais. Oui, tenez, cela est admirable parce que cela ressemble à une chose rêvée bien plus qu’à une chose vue.

Elle l’écoutait sans rien dire, attendant, espérant, recueillant chacune de ses paroles ; et elle se sentait émue, sans trop savoir pourquoi. Elle entrevoyait en effet d’autres pays, les pays bleus, les pays roses, les pays invraisemblables et merveilleux, introuvables et toujours cherchés qui nous font juger médiocres tous les autres.

Il reprit :

— Oui, c’est beau, parce que c’est beau. D’autres horizons sont plus frappants et moins harmonieux. Ah ! madame, la beauté, la beauté harmonieuse ! Il n’y a que cela au monde. Rien n’existe que la beauté ! Mais combien peu