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puissante des châtaigniers, la saveur sucrée des acacias, les aromates de la montagne, et l’herbe, l’herbe qui sent si bon, si bon, si bon, ce dont personne ne se doute ?

Elle était stupéfaite d’écouter ces choses, non pas qu’elles fussent surprenantes, mais elles lui paraissaient d’une nature si différente de celles entendues autour d’elle, chaque jour, que sa pensée en demeurait saisie, émue, troublée.

Il parlait toujours, de sa voix un peu sourde, mais chaude.

— Et puis, tenez, reconnaissez-vous aussi, dans l’air, sur les routes, quand il fait chaud, un petit goût de vanille ? — Oui, n’est-ce pas ? — Eh bien, c’est… c’est… mais je n’ose pas vous le dire.

Il riait tout à fait maintenant ; et soudain, étendant la main devant lui :

— Regardez !

Une file de voitures chargées de foin s’en venaient traînées par des vaches accouplées deux par deux. Les bêtes lentes, le front bas, la tête inclinée par le joug, les cornes liées à la barre de bois, marchaient péniblement ; et on voyait sous leur peau soulevée remuer les os de leurs jambes. Devant chaque attelage, un homme en manches de chemise, en gilet et en chapeau noir, allait, une baguette à la