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temps qui passe et fuit en dévorant les hommes, les pauvres hommes.

Il ne pensait plus que rarement, à présent, au drame affreux où avait sombré sa vie, car vingt ans s’étaient écoulés depuis cette soirée effroyable.

Mais l’existence qu’il s’était faite ensuite l’avait usé, amolli, épuisé ; et souvent le patron de sa brasserie, le sixième patron depuis son entrée dans cet établissement, lui disait : « Vous devriez vous secouer un peu, monsieur Parent ; vous devriez prendre l’air, aller à la campagne, je vous assure que vous changez beaucoup depuis quelques mois. »

Et quand son client venait de sortir, ce commerçant communiquait ses réflexions à sa caissière. « Ce pauvre M. Parent file un mauvais coton, ça ne vaut rien de ne jamais quitter Paris. Engagez-le donc à aller aux environs manger une matelote de temps en temps, puisqu’il a confiance en vous. Voilà bientôt l’été, ça le retapera. »

Et la caissière, pleine de pitié et de bien-