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C’était une pauvre fille maigre et qui boitait. Cela lui donnait des allures de sauterelle. Elle était timide, gauche, maladroite en tout ce qu’elle faisait. Elle s’accrochait avec crainte, au plus humble, au plus inaperçu, au moins riche de nous, qui la gardait un jour ou un mois, suivant ses moyens. Comment s’était-elle trouvée parmi nous, personne ne le savait plus. L’avait-on rencontrée, un soir de pochardise, au bal des Canotiers et emmenée dans une de ces rafles de femmes que nous faisions souvent ? L’avions-nous invitée à déjeuner, en la voyant seule, assise à une petite table, dans un coin. Aucun de nous ne l’aurait pu dire ; mais elle faisait partie de la bande.

Nous l’avions baptisée Ça ira, parce qu’elle se plaignait toujours de la destinée, de sa malechance, de ses déboires. On lui disait chaque dimanche : « Eh bien, Ça ira, ça va-t-il ? » Et elle répondait toujours : « Non, pas trop, mais faut espérer que ça ira mieux un jour. »