Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la grande clameur pieuse et violente.

Et les passagers des cinq bateaux clamaient le même cantique, dont le rythme monotone s’élevait dans le ciel calme ; et les cinq bateaux allaient l’un derrière l’autre, tout près l’un de l’autre.

Ils passèrent devant moi, contre moi, et je les vis s’éloigner, j’entendis s’affaiblir et s’éteindre leur chant.

Et je me mis à rêver à des choses délicieuses, comme rêvent les tout jeunes gens, d’une façon puérile et charmante.

Comme il fuit vite, cet âge de la rêverie, le seul âge heureux de l’existence ! Jamais on n’est solitaire, jamais on n’est triste, jamais morose et désolé quand on porte en soi la faculté divine de s’égarer dans les espérances, dès qu’on est seul. Quel pays de fées, celui où tout arrive, dans l’hallucination de la pensée qui vagabonde ! Comme la vie est belle sous la poudre d’or des songes !

Hélas ! c’est fini, cela !