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vie, pas de plaisirs, pas de passion. Le bibelot les tenait ; et quand ils avaient acheté quelque morceau important, quand la fièvre de posséder les avait envahis pendant un mois ou deux, que la bourse était vide et l’argent à toucher éloigné, ils disparaissaient tous les deux, cachés, ensevelis dans quelque auberge de campagne où ils vivaient humblement, chichement avec l’espoir des achats à venir.

Cette passion a été leur force, leur refuge, consolation dans la vie qui leur fut amère si longtemps.

L’un d’eux a succombé dans la lutte ardente contre le public, qui niait leur grand talent, ne comprenait pas, les raillait. Et voilà que l’autre, celui qui restait, s’est vu tout à coup admiré, acclamé, salué maître.

Elles sont fréquentes, ces injustices, ces férocités inconscientes de la foule. Balzac a dit : « Ce public parisien, chez qui la raillerie remplace ordinairement la compréhension… » — Ce mot est d’une surprenante justesse. Quand la foule ne comprend pas, elle méprise ; et comme elle ne comprend jamais, ceux qui viennent