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quand le soleil rajeuni faisait flotter sur le fleuve tranquille cette petite buée qui coule avec l’eau, et versait dans le dos des deux enragés pêcheurs une bonne chaleur de saison nouvelle, Morissot parfois disait à son voisin : « Hein ! quelle douceur ! » et M. Sauvage répondait : « Je ne connais rien de meilleur. » Et cela leur suffisait pour se comprendre et s’estimer.

À l’automne, vers la fin du jour, quand le ciel, ensanglanté par le soleil couchant, jetait dans l’eau des figures de nuages écarlates, empourprait le fleuve entier, enflammait l’horizon, faisait rouges comme du feu les deux amis, et dorait les arbres roussis déjà, frémissants d’un frisson d’hiver, M. Sauvage regardait en souriant Morissot et prononçait : « Quel spectacle ! » Et Morissot émerveillé répondait, sans quitter des yeux son flotteur : « Cela vaut mieux que le boulevard, hein ? »