Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
MARROCA

sont toujours pris les imbéciles. Mais elle me pria, me supplia, pleura même, ajoutant : « Tu verras comme je t’aimerrrai. » T’aimerrrai retentissait à la façon d’un roulement de tambour battant la charge.

Son désir me semblait tellement singulier que je ne me l’expliquais point ; puis, en y songeant, je crus démêler quelque haine profonde contre son mari, une de ces vengeances secrètes de femme qui trompe avec délices l’homme abhorré, et le veut encore tromper chez lui, dans ses meubles, dans ses draps.

Je lui dis — « Ton mari est très méchant pour toi ? »

Elle prit un air fâché. — « Oh non, très bon.

— Mais tu ne l’aimes pas, toi ? »

Elle me fixa avec ses larges yeux étonnés.

« Si, je l’aime beaucoup, au contraire, beaucoup, beaucoup, mais pas tant que toi, mon cœurrr. »

Je ne comprenais plus du tout, et comme je cherchais à deviner, elle appuya sur ma bouche une de ces caresses dont elle connaissait le pouvoir, puis elle murmura :

— « Tu viendrras, dis ? »

Je résistai cependant. Alors elle s’habilla tout de suite et s’en alla.