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MARROCA

Elle s’appelait Marroca, d’un surnom sans doute, et prononçait ce mot comme s’il eût contenu quinze r. Fille de colons espagnols, elle avait épousé un Français nommé Pontabèze. Son mari était employé de l’État. Je n’ai jamais su bien au juste quelles fonctions il remplissait. Je constatai qu’il était fort occupé, et je n’en demandai pas plus long.

Alors, changeant l’heure de son bain, elle vint chaque jour après mon déjeuner faire la sieste en ma maison. Quelle sieste ! Si c’est là se reposer !

C’était vraiment une admirable fille, d’un type un peu bestial, mais superbe. Ses yeux semblaient toujours luisants de passion ; sa bouche entr’ouverte, ses dents pointues, son sourire même avaient quelque chose de férocement sensuel ; et ses seins étranges, allongés et droits, aigus comme des poires de chair, élastiques comme s’ils eussent renfermé des ressorts d’acier, donnaient à son corps quelque chose d’animal, faisaient d’elle une sorte d’être inférieur et magnifique, de créature destinée à l’amour désordonné, éveillaient en moi l’idée des obscènes divinités antiques dont les tendresses libres s’étendaient au milieu des herbes et des feuilles.

Et jamais femme ne porta dans ses flancs de plus