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LA ROUILLE

difficiles, on prévint habilement Mme Vilers, qui s’en retourna veuve comme elle était venue.

Trois mois encore se passèrent. Un soir, comme il avait fortement dîné et qu’il titubait un peu, M. de Coutelier, en fumant sa pipe le soir avec M. de Courville, lui dit : « Si vous saviez comme je pense souvent à votre amie, vous auriez pitié de moi ».

L’autre, que la conduite du baron en cette circonstance avait un peu froissé, lui dit sa pensée vivement : « Sacrebleu, mon cher, quand on a des secrets dans son existence, on ne s’avance pas d’abord comme vous l’avez fait ; car, enfin, vous pouviez prévoir le motif de votre reculade, assurément ».

Le baron confus cessa de fumer.

« Oui et non. Enfin, je n’aurais pas cru ce qui est arrivé. »

M. de Courville, impatienté, reprit : « On doit tout prévoir ».

Mais M. de Coutelier, en sondant de l’œil les ténèbres pour être sûr qu’on ne les écoutait pas, reprit à voix basse :

« Je vois bien que je vous ai blessé et je vais tout vous dire pour me faire excuser. Depuis vingt ans,