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MADAME BAPTISTE

« À son tour s’avança le chef de musique du bourg de Mormillon. Sa troupe n’avait qu’une médaille de deuxième classe. On ne peut pas en donner de première classe à tout le monde, n’est-ce pas ?

« Quand le secrétaire particulier lui remit son emblème, voilà que cet homme le lui jette à la figure en criant : « Tu peux la garder pour Baptiste, ta médaille. Tu lui en dois même une de première classe aussi bien qu’à moi. »

« Il y avait là un tas de peuple qui se mit à rire. Le peuple n’est pas charitable ni délicat, et tous les yeux se sont tournés vers cette pauvre dame.

« Oh, monsieur, avez-vous jamais vu une femme devenir folle ? — Non. — Eh bien, nous avons assisté à ce spectacle-là ! Elle se leva et retomba sur son siège trois fois de suite, comme si elle eût voulu se sauver et compris qu’elle ne pourrait traverser toute cette foule qui l’entourait.

« Une voix, quelque part, dans le public, cria encore : « Ohé, madame Baptiste ! » Alors une grande rumeur eut lieu, faite de gaietés et d’indignations.

« C’était une houle, un tumulte ; toutes les têtes remuaient. On se répétait le mot ; on se haussait pour