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MADAME BAPTISTE

parents eux-mêmes semblaient gênés devant elle, comme s’ils lui en eussent éternellement voulu de quelque faute irréparable.

« Un honnête homme ne donnerait pas volontiers la main à un forçat libéré, n’est-ce pas, ce forçat fût-il son fils ? M. et Mme Fontanelle considéraient leur fille comme ils eussent fait d’un fils sortant du bagne.

« Elle était jolie et pâle, grande, mince, distinguée. Elle m’aurait beaucoup plu, monsieur, sans cette affaire.

« Or, quand nous avons eu un nouveau sous-préfet, voici maintenant dix-huit mois, il amena avec lui son secrétaire particulier, un drôle de garçon qui avait mené la vie dans le quartier latin, paraît-il.

« Il vit Mlle Fontanelle et en devint amoureux. On lui dit tout. Il se contenta de répondre : « Bah, c’est justement là une garantie pour l’avenir. J’aime mieux que ce soit avant qu’après. Avec cette femme-là, je dormirai tranquille. »

« Il fit sa cour, la demanda en mariage et l’épousa. Alors, ayant du toupet, il fit des visites de noce comme si de rien n’était. Quelques personnes les rendirent, d’autres s’abstinrent. Enfin, on commençait à oublier et elle prenait place dans le monde.