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MADEMOISELLE FIFI

putain ; c’est bien tout ce qu’il faut à des Prussiens ».

Elle n’avait point fini qu’il la giflait à toute volée ; mais comme il levait encore une fois la main, affolée de rage, elle saisit sur la table un petit couteau de dessert à lame d’argent, et si brusquement, qu’on ne vit rien d’abord, elle le lui piqua droit dans le cou, juste au creux où la poitrine commence.

Un mot qu’il prononcait fut coupé dans sa gorge ; et il resta béant, avec un regard effroyable.

Tous poussèrent un rugissement, et se levèrent en tumulte ; mais ayant jeté sa chaise dans les jambes du lieutenant Otto, qui s’écroula tout au long, elle courut à la fenêtre, l’ouvrit avant qu’on eût pu l’atteindre, et s’élança dans la nuit, sous la pluie qui tombait toujours.

En deux minutes, Mlle Fifi fut morte. Alors Fritz et Otto dégainèrent et voulurent massacrer les femmes, qui se traînaient à leurs genoux. Le major, non sans peine, empêcha cette boucherie, fit enfermer dans une chambre, sous la garde de deux hommes, les quatre filles éperdues ; puis comme s’il eût disposé ses soldats pour un combat, il organisa la poursuite de la fugitive, bien certain de la reprendre.