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deux amis

clara : « Et dire que ce sera toujours ainsi tant qu’il y aura des gouvernements ».

M. Sauvage l’arrêta : « La République n’aurait pas déclaré la guerre… »

Morissot l’interrompit : « Avec les rois on a la guerre au dehors ; avec la République on a la guerre au dedans ».

Et tranquillement ils se mirent à discuter, débrouillant les grands problèmes politiques avec une raison saine d’hommes doux et bornés, tombant d’accord sur ce point, qu’on ne serait jamais libres. Et le Mont-Valérien tonnait sans repos, démolissant à coups de boulet des maisons françaises, broyant des vies, écrasant des êtres, mettant fin à bien des rêves, à bien des joies attendues, à bien des bonheurs espérés, ouvrant en des cœurs de femmes, en des cœurs de filles, en des cœurs de mères, là-bas, en d’autres pays, des souffrances qui ne finiraient plus.

« C’est la vie », déclara M. Sauvage.

« Dites plutôt que c’est la mort », reprit en riant Morissot.

Mais ils tressaillirent effarés, sentant bien qu’on venait de marcher derrière eux ; et ayant tourné les yeux, ils aperçurent, debout contre leurs épaules,