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un reveillon

Dans la cheminée, quelques tisons agonisaient. La pièce, noire, vernie de saleté, avec ses solives vermoulues brunies par le temps, était pleine d’une odeur suffocante de boudin grillé. Au milieu de la grande table, sous laquelle la huche au pain s’arrondissait comme un ventre dans toute sa longueur, une chandelle, dans un chandelier de fer tordu, filait jusqu’au plafond l’âcre fumée de sa mèche en champignon. Et les deux Fournel, l’homme et la femme, réveillonnaient en tête à tête.

Mornes, avec l’air navré et la face abrutie des paysans, ils mangeaient gravement sans dire un mot. Dans une seule assiette, posée entre eux, un grand morceau de boudin dégageait sa vapeur empestante. De temps en temps, ils en arrachaient un bout avec la pointe de leur couteau, l’écrasaient sur leur pain qu’ils coupaient en bouchées, puis mâchaient avec lenteur.

Quand le verre de l’homme était vide, la femme, prenant la cruche au cidre, le remplissait.

À notre entrée, ils se levèrent, nous firent asseoir, nous offrirent de « faire comme eux », et, sur notre refus, se remirent à manger.

Au bout de quelques minutes de silence, mon cou-