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un reveillon

Un froid aigu piquait le visage, faisait pleurer les yeux. L’air cru saisissait les poumons, desséchait la gorge. Le ciel profond, net et dur, était criblé d’étoiles qu’on eût dites pâlies par la gelée ; elles scintillaient non point comme des feux, mais comme des astres de glace, des cristallisations brillantes. Au loin, sur la terre d’airain, sèche et retentissante, les sabots des paysans sonnaient ; et, par tout l’horizon, les petites cloches des villages, tintant, jetaient leurs notes grêles comme frileuses aussi, dans la vaste nuit glaciale.

La campagne ne dormait point. Des coqs, trompés par ces bruits, chantaient ; et en passant le long des étables, on entendait remuer les bêtes troublées par ces rumeurs de vie.

En approchant du hameau, Jules se ressouvint des Fournel. — « Voici leur baraque, dit-il entrons ! »

Il frappa longtemps en vain. Alors une voisine, qui sortait de chez elle pour se rendre à l’église, nous ayant aperçus : — « Ils sont à la messe, messieurs : ils vont prier pour le père. »

« Nous les verrons en sortant, » dit mon cousin.

La lune à son déclin profilait au bord de l’horizon sa silhouette de faucille au milieu de cette semaille