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un reveillon

La servante répliqua : « Oui et non, monsieur : on a sonné aussi parce que le père Fournel est mort ».

Le père Fournel, ancien berger, était une célébrité du pays. Âgé de quatre-vingt-seize ans, il n’avait jamais été malade jusqu’au moment où, un mois auparavant, il avait pris froid, étant tombé dans une mare par une nuit obscure. Le lendemain il s’était mis au lit. Depuis lors il agonisait.

Mon cousin se tourna vers moi : « Si tu veux, dit-il, nous irons tout à l’heure voir ces pauvres gens ». Il voulait parler de la famille du vieux, son petit-fils, âgé de cinquante-huit ans, et sa petite belle-fille, d’une année plus jeune. La génération intermédiaire n’existait déjà plus depuis longtemps. Ils habitaient une lamentable masure, à l’entrée du hameau, sur la droite.

Mais je ne sais pourquoi cette idée de Noël, au fond de cette solitude, nous mit en humeur de causer. Tous les deux, en tête à tête, nous nous racontions des histoires de réveillons anciens, des aventures de cette nuit folle, les bonnes fortunes passées et les réveils du lendemain, les réveils à deux avec leurs surprises hasardeuses, l’étonnement des découvertes.

De cette façon, notre dîner dura longtemps. De nombreuses pipes le suivirent ; et, envahis par ces