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une ruse

la raie, brossa la barbe, puis roula lentement les moustaches sur son doigt, ainsi qu’elle avait coutume de le faire, sans doute, en des familiarités d’amour.

« Et tout à coup, lâchant ce qu’elle tenait aux mains, elle saisit la tête inerte de son amant, et regarda longuement, désespérément cette face morte qui ne lui sourirait plus ; puis, s’abattant sur lui, elle l’étreignit à pleins bras, en l’embrassant avec fureur. Ses baisers tombaient, comme des coups, sur la bouche fermée, sur les yeux éteints, sur les tempes, sur le front. Puis, s’approchant de l’oreille, comme s’il eût pu l’entendre encore, comme pour balbutier le mot qui fait plus ardentes les étreintes, elle répéta, dix fois de suite, d’une voix déchirante : « Adieu, chéri. »

« Mais la pendule sonna minuit.

« J’eus un sursaut : « Bigre, minuit ! c’est l’heure où ferme le cercle. Allons, madame, de l’énergie ! »

« Elle se redressa. J’ordonnai : « Portons-le dans le salon. Nous le prîmes tous trois, et, l’ayant emporté, je le fis asseoir sur un canapé, puis j’allumai les candélabres.

« La porte de la rue s’ouvrit et se referma lourdement. C’était Lui déjà. Je criai : « Rose, vite, appor-