Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
réveil

brûlait. Il se mit à causer à mi-voix, tendre et galant, berçant cette âme épuisée au charme de paroles amoureuses. Elle l’écoutait sans répondre, pensant à l’autre, croyant entendre l’autre, croyant le sentir contre elle dans une sorte d’hallucination. Elle ne voyait que lui, ne se rappelait plus qu’il existait un autre homme au monde ; et quand son oreille tressaillait à ces trois syllabes : « Je vous aime » c’était lui, l’autre qui les disait, qui baisait ses doigts, c’était lui qui serrait sa poitrine comme tout à l’heure dans le coupé, c’était lui qui jetait sur ses lèvres ces caresses victorieuses, c’était lui qu’elle étreignait, qu’elle enlaçait, qu’elle appelait de tout l’élan de son cœur, de toute l’ardeur exaspérée de son corps.

Quand elle s’éveilla de ce songe, elle poussa un cri épouvantable.

Le « Capitaine Fracasse », à genoux près d’elle, la remerciait passionnément en couvrant de baisers ses cheveux dénoués. Elle cria : « Allez-vous-en, allez-vous-en ! »

Et comme il ne comprenait pas et cherchait à ressaisir sa taille, elle se tordit en bégayant : « Vous êtes infâme, je vous hais, vous m’avez volée, allez-vous-en ».