Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
réveil

le revoyait tel qu’il était dans la vie, doux, délicat, humblement passionné ; et elle s’éveillait obsédée du souvenir de ces songes, croyant l’entendre encore, et le sentir près d’elle. Or, une nuit (elle avait la fièvre peut-être), elle se vit seule avec lui, dans un petit bois, assis tous deux sur l’herbe.

Il lui disait des choses charmantes en lui pressant les mains et les baisant. Elle sentait la chaleur de sa peau et le souffle de son haleine ; et, d’une façon naturelle, elle lui caressait les cheveux.

On est, dans le rêve, tout autre que dans la vie. Elle se sentait pleine de tendresse pour lui, d’une tendresse calme et profonde, heureuse de toucher son front et de le tenir contre elle.

Peu à peu il l’enlaçait de ses bras, lui baisait les joues et les yeux sans qu’elle fît rien pour lui échapper, et leurs lèvres se rencontrèrent. Elle s’abandonna.

Ce fut (la réalité n’a pas de ces extases), ce fut une seconde d’un bonheur suraigu et surhumain, idéal et charnel, affolant, inoubliable.

Elle s’éveilla, vibrante, éperdue, et ne put se rendormir, tant elle se sentait obsédée, possédée toujours par lui.

Et quand elle le revit, ignorant du trouble qu’il