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fou

chaque matin par le même sentier, dans un petit bois de bouleaux qui s’enfonçait vers la forêt.

Je sortis avant l’aurore, avec une corde dans la main et mes pistolets cachés sur ma poitrine, comme si j’allais me battre en duel.

Je courus vers le chemin qu’elle aimait ; je tendis la corde entre deux arbres ; puis je me cachai dans les herbes.

J’avais l’oreille contre le sol ; j’entendis son galop lointain ; puis je l’aperçus là-bas, sous les feuilles comme au bout d’une voûte, arrivant à fond de train. Oh ! je ne m’étais pas trompé, c’était cela ! Elle semblait transportée d’allégresse, le sang aux joues, de la folie dans le regard ; et le mouvement précipité de la course faisait vibrer ses nerfs d’une jouissance solitaire et furieuse.

L’animal heurta mon piège des deux jambes de devant, et roula, les os cassés. Elle, je la reçus dans mes bras. Je suis fort à porter un bœuf. Puis, quand je l’eus déposée à terre, je m’approchai de Lui qui nous regardait ; alors, pendant qu’il essayait de me mordre encore, je lui mis un pistolet dans l’oreille… et je le tuai… comme un homme.

Mais je tombai moi-même, la figure coupée par