Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
fou

qu’une passion nouvelle vibrait en elle. J’en étais sûr, indubitablement sûr. Elle palpitait comme après mes étreintes ; son œil flambait, ses mains étaient chaudes, toute sa personne vibrante dégageait cette vapeur d’amour d’où mon affolement était venu.

Je feignis de ne rien comprendre, mais mon attention l’enveloppait comme un filet.

Je ne découvrais rien, pourtant.

J’attendis une semaine, un mois, une saison. Elle s’épanouissait dans l’éclosion d’une incompréhensible ardeur ; elle s’apaisait dans le bonheur d’une insaisissable caresse.

Et, tout à coup, je devinai ! Je ne suis pas fou. Je le jure, je ne suis pas fou !

Comment dire cela ? Comment me faire comprendre ? Comment exprimer cette abominable et incompréhensible chose ?

Voici de quelle manière je fus averti.

Un soir, je vous l’ai dit, un soir, comme elle rentrait d’une longue promenade à cheval, elle tomba, les pommettes rouges, la poitrine battante, les jambes cassées, les yeux meurtris, sur une chaise basse, en face de moi. Je l’avais vue comme cela ! Elle aimait ! Je ne pouvais m’y tromper !