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LE LIT

mère, se sent douloureusement joyeuse ; elle étouffe de bonheur à ce premier cri, et tend les bras et suffoque et, autour, on pleure avec délices ; car ce petit morceau de créature vivante séparé d’elle, c’est la famille continuée, la prolongation du sang, du cœur et de l’âme des vieux qui regardent, tout tremblants.

« Puis voici que pour la première fois deux amants se trouvent chair à chair dans ce tabernacle de la vie. Ils tremblent, mais transportés d’allégresse, ils se sentent délicieusement l’un près de l’autre ; et, peu à peu, leurs bouches s’approchent. Ce baiser divin les confond, ce baiser, porte du ciel terrestre, ce baiser qui chante les délices humaines, qui les promet toujours, les annonce et les devance. Et leur lit s’émeut comme une mer soulevée, ploie et murmure, semble lui-même animé, joyeux, car sur lui le délirant mystère d’amour s’accomplit. Quoi de plus suave, de plus parfait en ce monde que ces étreintes faisant de deux êtres un seul, et donnant à chacun, dans le même moment, la même pensée, la même attente et la même joie éperdue qui descend en eux comme un feu dévorant et céleste ?

« Vous rappelez-vous ces vers que vous m’avez lus,