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LA RELIQUE

doivent produire les débris de onze mille squelettes de vierges). Puis je m’étais rendu chez un orfèvre et j’avais acheté un bijou digne de la relique.

Je n’étais pas fâché de lui faire savoir que le médaillon m’avait coûté cinq cents francs.

Mais elle ne songeait guère à cela ; elle m’écoutait frémissante, en extase. Elle murmura : « Comme je vous aime ! » et se laissa tomber dans mes bras.

Remarque ceci : J’avais commis pour elle, un sacrilège. J’avais volé ; j’avais violé une église, violé une châsse ; violé et volé des reliques sacrées. Elle m’adorait pour cela ; me trouvait tendre, parfait, divin. Telle est la femme, mon cher abbé, toute la femme.

Pendant deux mois, je fus le plus admirable des fiancés. Elle avait organisé dans sa chambre une sorte de chapelle magnifique pour y placer cette parcelle de côtelette qui m’avait fait accomplir, croyait-elle, ce divin crime d’amour ; et elle s’exaltait là devant, soir et matin.

Je l’avais priée du secret, par crainte, disais-je, de me voir arrêté, condamné, livré à l’Allemagne. Elle m’avait tenu parole.

Or, voilà qu’au commencement de l’été, un désir fou lui vint de voir le lieu de mon exploit. Elle pria tant et si bien son père (sans lui avouer sa raison