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LA RELIQUE

enfin je compris qu’il me proposait des reliques. Le souvenir de Gilberte me traversa le cœur ; je connaissais sa dévotion fanatique. Voilà mon cadeau trouvé. Je suivis l’homme dans un magasin d’objets de sainteté, et je pris un « bétit morceau d’un os des once mille fierges ».

La prétendue relique était enfermée dans une charmante boîte en vieil argent qui décida mon choix.

Je mis l’objet dans ma poche et je montai dans mon wagon.

En rentrant chez moi, je voulus examiner de nouveau mon achat. Je le pris… La boîte s’était ouverte, la relique était perdue ! J’eus beau fouiller ma poche, la retourner ; le petit os, gros comme la moitié d’une épingle, avait disparu.

Je n’ai, tu le sais, mon cher abbé, qu’une foi moyenne ; tu as la grandeur d’âme, l’amitié, de tolérer ma froideur, et de me laisser libre, attendant l’avenir, dis-tu ; mais je suis absolument incrédule aux reliques des brocanteurs en piété ; et tu partages mes doutes absolus à cet égard. Donc, la perte de cette parcelle de carcasse de mouton ne me désola point ; et je me procurai, sans peine, un fragment analogue que je collai soigneusement dans l’intérieur de mon bijou.