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LA BUCHE

gré notre intimité grandissant chaque jour, le tête-à-tête nous plaçait dans une situation nouvelle. Je parlai d’abord de choses vagues, de ces choses insignifiantes dont on emplit les silences embarrassants. Elle ne répondit rien et restait en face de moi, de l’autre côté de la cheminée, la tête baissée, le regard indécis, un pied tendu vers la flamme, comme perdue en une difficile méditation. Quand je fus à sec d’idées banales, je me tus. C’est étonnant comme il est difficile quelquefois de trouver des choses à dire. Et puis, je sentais du nouveau dans l’air, je sentais de l’invisible, un je ne sais quoi impossible à exprimer, cet avertissement mystérieux qui vous prévient des intentions secrètes, bonnes ou mauvaises, d’une autre personne à votre égard.

Ce pénible silence dura quelque temps. Puis Berthe me dit : « Mettez donc une bûche au feu, mon ami, vous voyez bien qu’il va s’éteindre ». J’ouvris le coffre à bois, placé juste comme le vôtre, et je pris une bûche, la plus grosse bûche, que je plaçai en pyramide sur les autres morceaux de bois aux trois quarts consumés.

Et le silence recommença.

Au bout de quelques minutes, la bûche flambait de