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MARROCA

J’entendis des baisers, une tape sur de la chair nue, un rire ; puis il dit avec un accent marseillais : — « Zé oublié ma bourse, té, il a fallu revenir. Autrement, je crois que tu dormais de bon cœur ». Il alla vers la commode, chercha longtemps ce qu’il lui fallait ; puis Marroca s’étant étendue sur le lit comme accablée de fatigue, il revint à elle, et sans doute il essayait de la caresser, car elle lui envoya, en phrases irritées, une mitraille d’r furieux.

Les pieds étaient si près de moi qu’une envie folle, stupide, inexplicable, me saisit de les toucher tout doucement. Je me retins.

Comme il ne réussissait pas en ses projets, il se vexa. — « Tu es bien méçante aujourd’hui », dit-il. Mais il en prit son parti. « Adieu, pétite. » Un nouveau baiser sonna ; puis les gros pieds se retournèrent, me firent voir leurs gros clous en s’éloignant, passèrent dans la pièce voisine ; et la porte de la rue se referma.

J’étais sauvé !

Je sortis lentement de ma retraite, humble et piteux, et tandis que Marroca, toujours nue, dansait une gigue autour de moi en riant aux éclats et battant des mains, je me laissai tomber lourdement sur une chaise.