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M. JOCASTE.

jeune fille. Il ne pouvait plus se passer d’elle, de sa causerie rieuse, du bruit de sa robe, des intonations de sa parole. Il les confondait maintenant en sa pensée et dans son cœur, la disparue et la vivante, oubliant la distance, le temps passé, la mort, aimant toujours l’autre en celle-ci, aimant celle-ci en souvenir de l’autre, ne cherchant plus à comprendre, à savoir, ne se demandant même plus si elle pouvait être sa fille.

Mais parfois la vue de la gêne où vivait celle qu’il adorait de cette passion double, confuse et incompréhensible pour lui-même, le torturait affreusement.

Que pouvait-il faire ? Offrir de l’argent ? À quel titre ? De quel droit ? Jouer le rôle de tuteur ? Il semblait à peine plus vieux qu’elle : on l’aurait cru son amant. La marier ? Cette pensée, surgie soudain en son âme, l’épouvanta. Puis il s’apaisa. Qui donc voudrait d’elle ? Elle n’avait rien, mais rien.

La tante le regardait venir, voyant bien qu’il aimait cette enfant. Et il attendait. Quoi ? Le savait-il ?

Un soir, ils se trouvèrent seuls. Ils causaient doucement, côte à côte, sur le canapé du petit salon. Tout à coup il lui prit la main