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M. JOCASTE.

s’exaltait de plus en plus en approchant de sa délivrance.

Elle succomba en accouchant d’une fille.

Ce fut pour le jeune homme un désespoir épouvantable, un désespoir si furieux qu’il ne le pouvait cacher. Le mari, peut-être, eut des doutes ; peut-être savait-il que sa fille ne pouvait être née de lui ! Il ferma sa porte à celui qui se croyait le père véritable et lui cacha l’enfant qu’il fit élever en secret.

Et beaucoup d’années s’écoulèrent.

Pierre Martel oublia, comme on oublie tout. Il devint riche, mais il n’aima plus et ne se maria pas. Sa vie était celle de tout le monde, celle d’un homme heureux et tranquille. Aucune nouvelle ne lui venait plus de l’époux qu’il avait trompé, ni de la jeune fille qu’il supposait sienne.

Or, il reçut un matin une lettre d’un indifférent lui apprenant, par hasard, la mort de son ancien rival, et un trouble vague, une sorte de remords l’envahit. Qu’était devenue cette enfant, son enfant ? Ne pouvait-il rien pour elle ? Il s’informa. Elle avait été recueillie par une tante, et elle était pauvre, pauvre à toucher la misère.