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Il répondit en riant : « Je prends l’absinthe. »

Alors, gravement, elle ajouta : « Alors, monsieur, allons prendre l’absinthe. »

Ils entrèrent dans un grand café du boulevard qu’il fréquentait, et où il rencontra des confrères. Il les lui présenta tous. Elle était folle de joie. Et ce mot sonnait sans répit dans sa tête : « Enfin, enfin ! »

Le temps passait, elle demanda : « Est-ce l’heure de votre dîner ? »

Il répondit : « Oui, madame.

— Alors, monsieur, allons dîner. »

En sortant du café Bignon : « Le soir, que faites-vous ? » dit-elle.

Il la regarda fixement : « Cela dépend ; quelquefois je vais au théâtre.

— Eh bien, monsieur, allons au théâtre. »

Ils entrèrent au Vaudeville, par faveur, grâce à lui, et, gloire suprême, elle fut vue par toute la salle à son côté, assise aux fauteuils de balcon.

La représentation finie, il lui baisa galamment la main : « Il me reste, madame, à vous remercier de la journée délicieuse… » Elle l’interrompit. — « À cette heure-ci, que faites-vous toutes les nuits ?

— Mais… mais… je rentre chez moi. »