Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, OC, Conard, 1909.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prix spéciaux. Ils viennent tous chez moi, monsieur Jean Varin. Hier, M. Busnach m’achetait une grande coupe ancienne. J’ai vendu l’autre jour deux flambeaux comme ça (sont-ils beaux, dites ?) à M. Alexandre Dumas. Tenez, cette pièce que vous tenez là, si M. Zola la voyait, elle serait vendue, monsieur Varin. »

L’écrivain très perplexe hésitait, sollicité par l’objet, mais songeant à la somme ; et il ne s’occupait pas plus des regards que s’il eût été seul dans un désert.

Elle était entrée tremblante, l’œil fixé effrontément sur lui, et elle ne se demandait même pas s’il était beau, élégant ou jeune. C’était Jean Varin lui-même, Jean Varin !

Après un long combat, une douloureuse hésitation, il reposa la potiche sur une table. « Non, c’est trop cher, » dit-il.

Le marchand redoublait d’éloquence. « Oh ! monsieur Jean Varin, trop cher ? cela vaut deux mille francs comme un sou. »

L’homme de lettres répliqua tristement en regardant toujours le bonhomme aux yeux d’émail : « Je ne dis pas non ; mais c’est trop cher pour moi. »

Alors, elle, saisie d’une audace affolée,