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nent le ton d’une époque et ne le donnent pas. Elles sont cependant un peu dépaysées aujourd’hui dans ce monde d’hommes à peu près élevés, qui sentent le tabac, passent au fumoir après le dîner et au cercle après le fumoir, fréquentent la Bourse et non les salons, ne lisent rien de ce qui fait charmante la vie, ignorent l’art de jeter un compliment, de baiser une main, ne savent même plus préférer parfois la soubrette à la maîtresse, soupent entre mâles et payent l’amour !

Il n’y a plus de femmes, affirme-t-on. Disons plutôt : « Il n’y a plus d’hommes pour qui les femmes désirent être séduisantes. »

Mais toutes ces qualités latentes qui, par notre faute, ne se développent plus dans l’air mondain des salons, n’existent pas moins, plus discrètes, cachées, profondes, en bouton toujours prêt à s’ouvrir dès qu’un peu de soleil se montre chez cette femme française, la seule femme en qui soit le génie de sa race ; car les autres savent aimer, savent se faire aimer ; la Française seule sait être exquise.