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qu’il y eût de pareilles choses sous la robe de laine de la patronne. Elle semblait rajeunie de dix ans, en déshabillé. Et voilà que je me sentais tout drôle, tout… Comment dirai-je ?… tout remué. Je retrouvais brusquement devant elle ma situation… interrompue un quart d’heure plus tôt dans ma chambre.

Et, derrière elle, là-bas, dans l’alcôve, je regardais son lit. Il était entr’ouvert, écrasé, montrant, par le trou creusé dans les draps, la pesée du corps qui s’était couché là. Et je pensais qu’il devait faire très bon et très chaud là-dedans, plus chaud que dans un autre lit. Pourquoi plus chaud ? Je n’en sais rien, sans doute à cause de l’opulence des chairs qui s’y étaient reposées.

Quoi de plus troublant et de plus charmant qu’un lit défait ? Celui-là me grisait, de loin, me faisait courir des frémissements sur la peau.

Elle parlait toujours, mais doucement, maintenant, elle parlait en amie rude et bienveillante qui ne demande plus qu’à pardonner.

Je balbutiai : « Voyons… voyons… madame Kergaran… voyons… » Et comme elle s’était tue pour attendre ma réponse, je la saisis dans mes deux bras et je me mis à l’embrasser, mais à l’embrasser, comme un