Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est en 1874, que le désir me vint de voir Venise, Florence, Rome et Naples. Ce goût me prit vers le 15 juin, alors que la sève violente du printemps vous met au cœur des ardeurs de voyage et d’amour.

Je ne suis pas voyageur cependant. Changer de place me paraît une action inutile et fatigante. Les nuits en chemins de fer, le sommeil secoué des wagons avec des douleurs dans la tête et des courbatures dans les membres, les réveils éreintés dans cette boîte roulante, cette sensation de crasse sur la peau, ces saletés volantes qui vous poudrent les yeux et le poil, ce parfum de charbon dont on se nourrit, ces dîners exécrables dans le courant d’air des buffets sont, à mon avis, de détestables commencements pour une partie de plaisir.

Après cette introduction du Rapide, nous avons les tristesses de l’hôtel, du grand hôtel plein de monde et si vide, la chambre inconnue, navrante, le lit suspect. — Je tiens à mon lit plus qu’à tout. Il est le sanctuaire de la vie. On lui livre nue sa chair fatiguée pour qu’il la ranime et la repose dans la blancheur des draps et dans la chaleur des duvets.

C’est là que nous trouvons les plus douces heures de l’existence, les heures d’amour et de sommeil. Le