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ce qu’on désire à mon âge et j’étais disposé à vivre joyeusement, de toutes les façons.

Des voisins, à qui on demanda conseil, indiquèrent une compatriote, Mme Kergaran, qui prenait des pensionnaires. Mon père donc traita par lettres avec cette personne respectable, chez qui j’arrivai, un soir, accompagné d’une malle.

Mme Kergaran avait quarante ans environ. Elle était forte, très forte, parlait d’une voix de capitaine instructeur et décidait toutes les questions d’un mot net et définitif. Sa demeure, tout étroite, n’ayant qu’une seule ouverture sur la rue, à chaque étage, avait l’air d’une échelle de fenêtres, ou bien encore d’une tranche de maison en sandwich entre deux autres.

La patronne habitait au premier avec sa bonne ; on faisait la cuisine et on prenait les repas au second ; quatre pensionnaires bretons logeaient au troisième et au quatrième. J’eus les deux pièces du cinquième.

Un petit escalier noir, tournant comme un tire-bouchon, conduisait à ces deux mansardes. Tout le jour, sans s’arrêter, Mme Kergaran montait et descendait cette spirale, occupée dans ce logis en tiroir comme un capitaine à son bord. Elle entrait dix fois de suite dans chaque appartement, surveillait tout