Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je demeurais fort perplexe, fort gêné, car, à ma grande surprise, je m’étais attaché à Francesca d’une façon singulière. L’homme est faible et bête, entraînable pour un rien, et lâche toutes les fois que ses sens sont excités ou domptés. Je tenais à cette fille que je ne connaissais point, à cette fille taciturne et toujours mécontente. J’aimais sa figure grogneuse, la moue de sa bouche, l’ennui de son regard ; j’aimais ses gestes fatigués, ses consentements méprisants, jusqu’à l’indifférence de sa caresse. Un lien secret, ce lien mystérieux de l’amour bestial, cette attache secrète de la possession qui ne rassasie pas, me retenait près d’elle. Je le dis à Paul, tout franchement. Il me traita d’imbécile, puis me dit : « Eh bien, emmène-la. »

Mais elle refusa obstinément de quitter Gênes, sans vouloir expliquer pourquoi. J’employai les prières, les raisonnements, les promesses ; rien n’y fit.

Et je restai.

Paul déclara qu’il allait partir tout seul. Il fit même sa malle, mais il resta également.

Et quinze jours se passèrent encore.

Francesca, toujours silencieuse et d’humeur irritée, vivait à mon côté plutôt qu’avec moi, répondant à toutes mes demandes, à toutes mes propositions par son