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solennel, qui m’annonça, en termes mystérieux, qu’un cadeau du souverain m’attendait dans ma chambre ; et il me présenta les excuses de mon maître pour n’avoir pas pensé plus tôt à m’offrir une chose dont je devais être privé.

Après ce discours obscur, l’ambassadeur s’inclina et disparut.

J’entrai et j’aperçus, alignées contre le mur par rang de taille, six petites filles, côte à côte, immobiles, pareilles à une brochette d’éperlans. La plus âgée avait peut-être huit ans, la plus jeune six ans. Au premier moment, je ne compris pas bien pourquoi cette pension était installée chez moi, puis je devinai l’attention délicate du prince : c’était un harem dont il me faisait présent. Il l’avait choisi fort jeune par excès de gracieuseté. Car plus le fruit est vert, plus il est estimé, là-bas.

Et je demeurai tout à fait confus et gêné, honteux en face de ces mioches qui me regardaient avec leurs grands yeux graves, et qui semblaient déjà savoir ce que je pouvais exiger d’elles.

Je ne savais que leur dire. J’avais envie de les renvoyer, mais on ne rend pas un présent du souverain. C’eût été une mortelle injure. Il fallait donc garder, installer chez moi ce troupeau d’enfants