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vait devenir ministre, et amis de deux chefs de division.

Mais la pensée entrée aux premiers jours de sa vie dans la tête de M. Sacrement, ne le quittait plus et il souffrait d’une façon continue de n’avoir point le droit de montrer sur sa redingote un petit ruban de couleur.

Les gens décorés qu’il rencontrait sur le boulevard lui portaient un coup au cœur. Il les regardait de coin avec une jalousie exaspérée. Parfois, par les longs après—midi de désœuvrement il se mettait à les compter. Il se disait : « Voyons, combien j’en trouverai de la Madeleine à la rue Drouot. »

Et il allait lentement ; inspectant les vêtements, l’œil exercé à distinguer de loin le petit point rouge. Quand il arrivait au bout de sa promenade, il s’étonnait toujours des chiffres : « Huit officiers, et dix-sept chevaliers. Tant que ça ! C’est stupide de prodiguer les croix d’une pareille façon. Voyons si j’en trouverai autant au retour. »

Et il revenait à pas lent, désolé quand la foule pressée des passants pouvait gêner ses recherches, lui faire oublier quelqu’un.

Il connaissait les quartiers où on en trouvait le plus